Résumé

Quand l’action en justice devient une arme pour faire taire la critique, c’est le débat public lui-même qui se trouve devant le juge : tel est l’enjeu des « poursuites-bâillons » ou SLAPP (Strategic Lawsuits Against Public Participation). Ces procédures, généralement intentées par des entités puissantes à l’encontre de journalistes, d’ONG, de chercheurs ou de militants, visent à intimider, à épuiser financièrement et à réduire au silence les voix critiques s’exprimant sur des questions d’intérêt public.
Le phénomène, longtemps marginal ou marginalisé en Europe, a suscité une prise de conscience politique et juridique accrue, notamment à la suite de l’assassinat de la journaliste maltaise Daphne Caruana Galizia. Ce contexte a conduit tant le Conseil de l’Europe que l’Union européenne à proposer des textes et des actions visant à protéger les personnes engagées dans le débat public contre les procédures-bâillons.
La conférence s’attachera à analyser ces propositions en particulier la Directive 2024/1069 sur les poursuites stratégiques altérant le débat public qui doit être transposée au plus tard le 7 mai 2026, à la lumière de l’expérience nord-américaine et des débats doctrinaux européens. Si la directive anti-SLAPP constitue une avancée juridique certaine pour renforcer la résilience du débat démocratique face aux pressions procédurales, sa transposition requiert la recherche d’un équilibre entre lutte contre l’abus de procédure et préservation de l’accès à la justice. La capacité du droit procédural européen à empêcher l’instrumentalisation de la justice à des fins de censure, tout en préservant les garanties essentielles d’un procès équitable mérite d’être interrogée à l’heure où la participation au débat démocratique devient un enjeu de litige.

CV: 

Séverine Menétrey est docteure en droit des Universités Paris II Panthéon-Assas et Laval (Québec). Elle est professeure de droit judiciaire à l’Université Libre de Bruxelles (ULB) et à l’UMons après l’avoir été pendant douze années à l’Université du Luxembourg. Ses travaux portent sur la procédure civile et les évolutions contentieuses tant dans l’utilisation du procès à des fins stratégiques par les parties que dans les transformations symboliques et pratiques des juridictions.