Né en 1767 à Lausanne, Benjamin Constant est notamment connu pour un discours prononcé en 1819 et dans lequel il compare la liberté des Anciens à celle des Modernes. Il y affirme que la liberté des Anciens ne saurait plus être imposée aux Modernes. Mais en même temps, Constant est conscient du fait que la liberté des Modernes, qui s’apparente à une liberté de rechercher son bonheur personnel, est lourde de dangers, notamment celui de ce qu’Alexis de Tocqueville, deux décennies plus tard, qualifiera de despotisme doux.
Tocqueville et Constant sont tous les deux soucieux d’éviter la dérive de la modernité démocratique vers ce despotisme doux. Et ils partagent tous les deux la conviction que la religion constitue le meilleur moyen pour la contrer. Mais derrière cette conviction commune se cachent trois points de divergence importants. D’abord, Tocqueville pense la religion en termes de croyances religieuses, alors que Constant insiste bien plus sur le sentiment religieux. Ensuite, Tocqueville semble se résigner – à contrecoeur – à l’idée que chez les Modernes, c’est bien plus l’intérêt bien entendu qui sert de guide, qu’une quelconque passion désintéressée, là où, au contraire, Constant combat sans complaisance la doctrine de l’intérêt bien entendu. La troisième divergence concerne l’idée de bonheur : alors que Tocqueville s’abstient de dire à ses contemporains que le bonheur n’est pas la finalité ultime de l’existence humaine, Constant le dit haut et fort, plaçant le perfectionnement au-dessus du bonheur.
Dans son exposé, le conférencier montrera comment le libéralisme de Constant se tourne vers le ciel, non pas dans l’espoir d’y trouver des ressources minières à exploiter, mais des garde-fous contre certaines dérives du libéralisme.